« Les valeurs de la République sont quand même transmises (…), par les policiers, par les élus, etc ». Ces propos d’Eric Raoult¹ laissent à réfléchir. D’autant plus lorsqu’on les met en parallèle avec la situation actuelle du maire du Raincy et de l’affaire de la BAC nord de Marseille. Les hommes politiques aiment se montrer comme les chevaliers servants de la République. Une partie d’entre eux, notamment à droite ou à l’extrême-droite, se pense à ce point exemplaire qu’elle est toujours prompte à donner des leçons. On trouve souvent dans leur ligne de mire la banlieue et ses habitants. Les nombreux débordements verbaux lors des récents débats sur la laïcité, l’immigration, l’identité nationale ou encore l’islam en sont autant de preuves. Les banlieues seraient selon eux des territoires perdus, où les valeurs et principes de la République n’auraient plus leur place. Un discours stigmatisant et récurant qui semble indépassable. Pourtant, au-delà de leur caractère dramatique, deux faits divers récents (affaire Merah et drame d’Echirolles) ont permis de mettre sur le devant de la scène un discours humaniste et républicain venant d’habitantes de ces quartiers : Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime de Mohamed Merah, d’Aurélie Monkame-Noubissi, mère d’un des jeunes tués à Grenoble et de Widad, la mère de famille ayant interpellée François Hollande à Echirolles. Lucides et courageux, leurs témoignages sont un véritable pied de nez à l’habituelle rengaine politico-médiatique concernant la place de la République et des valeurs humaines dans les banlieues.
Un discours totalement en phase avec la République et la laïcité
«Tuer au nom de l’islam est inacceptable. […]. Nous (les musulmans) […] nous sommes pour bien vivre dans la République² ». « Je suis venue du Maroc à l’âge de 18 ans. J’ai fait cinq enfants en France, je les ai éduqués, je les ai élevés au nom de la République laïque³ ». « Imad était un soldat de la République, fier de servir son pays »4. Ces propos sont ceux de Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime de Mohamed Merah. Au-delà de son immense douleur, elle lance aujourd’hui une association (Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix). Ce qu’elle veut, « aider les jeunes des quartiers, leur apprendre à respecter la République française ». Une femme, musulmane, qui porte le voile, tenant un discours exemplaire sur la République et la laïcité, le symbole est fort. Bien que ces propos aient été relayés par une partie des médias, on peut déplorer qu’ils n’aient pas eu droit au même traitement que ceux de Jean-François Copé sur le racisme anti-blanc.
Des propos humains et lucides sur la situation en banlieue
Les habitants de banlieue sont les premières victimes de l’insécurité. Pourtant lorsque les médias abordent ce sujet, ils leur donnent rarement la parole. Quel est donc leur regard sur la situation difficile de nos quartiers ? Les témoignages de Latifa Ibn Ziaten, d’Aurélie Monkame ou de Widad sont avant tous des appels à l’aide. A qui s’adressent-elles ? Aux pouvoir publics, à la République, mais aussi aux parents, aux habitants des banlieues, dont elles ne nient pas la responsabilité et l’importance. « On a tous besoin de sécurité. Aujourd’hui l’éducation on en parle, on ne voit rien dans la pratique. (…) J’ai entendu qu’on parlait de chrétiens ou de musulmans, ce n’est pas le problème. Ce sont les enfants de tout le monde et on a tous besoin de sécurité. J’aimerais que le gouvernement réagisse plus qu’il ne parle5». Voila ce que Widad, habitante d’Echirolles a tenu à dire à François Hollande lorsqu’il s’est rendu dans son quartier. Habitante de ce même quartier et mère de Kevin, l’une des deux victimes de la tuerie, Aurélie Monkame-Noubissi tient elle aussi un discours lucide et courageux sur la situation en banlieue. « Comment on en est arrivé là ? On peut mettre dix points d’interrogations. Je leur pardonnerai parce qu’ils (les agresseurs de son fils) sont des victimes de notre société. J’ai même mal pour eux, mal pour nous. Qu’avons nous fait pour conduire à ça ? On est responsable aussi6». « Ce sont des jeunes qui vivent dans le désœuvrement, l’oisiveté7 »… Lors d’une récente interview sur France 2, Latifa Ibn Ziaten abordait elle aussi ces questions (voir vidéo ci-dessous). Ces témoignages (voir les sources en bas de page pour les retrouver dans leur intégralité), plein de lucidité, de sincérité et de dignité, parce qu’ils viennent de citoyens lambda, qui vivent ou connaissent la banlieue, nous apportent un regard nouveau. Un regard intérieur, trop souvent négligé qui permet d’aborder le débat d’une autre manière, sous un angle nouveau. Qui permet d’aller au-delà des enquêtes, des analyses, qui nous sont habituellement servis par les médias. La situation en banlieue ne pourra se régler sans que l’on prenne en compte les remarques et les désirs des personnes qui y vivent.
La République, voila ce que les habitants de banlieue veulent
Que réclament les habitants de banlieue ? Plus d’éducation, plus d’égalité, plus de sécurité, plus de République simplement ! Nous sommes loin des messages diffusés par ces reportages racoleurs qui pullulent sur nos écrans et font passer les banlieues pour des territoires perdus de la République. D’où vient donc aujourd’hui l’exemplarité ? De ces femmes, qui à travers leurs discours profondément humains et républicains viennent bouleverser les représentations que beaucoup ont sur la banlieue et sur l’islam, ou de ces élus qui, au mépris des principes de liberté et d’égalité, préviennent déjà qu’ils refuseront de célébrer des mariages homosexuels ?
2 http://www.fenvac.com/Actus-FENVAC/article/hommage-aux-victimes-du-terrorisme-1291
3 http://www.rmc.fr/editorial/301550/merah-la-mere-de-la-premiere-victime-temoigne/
4 http://www.fenvac.com/Actus-FENVAC/article/hommage-aux-victimes-du-terrorisme-1291
7 http://www.humanite.fr/societe/tues-pour-un-mauvais-regard-505219