Lutte des classes : comme Sarkozy, Cahuzac et le PS insultent la mémoire de Jaurès

J’accuse le Parti socialiste de trahir la mémoire de Jaurès. Lors du récent débat qui l’a opposé au co-président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, Jérôme Cahuzac a au moins eu le mérite d’être clair. Le gouvernement actuel ne mène pas une politique socialiste et n’a pas l’intention de le faire. Rien de moins qu’une confirmation de ce que nous étions beaucoup à constater. Les masques sont cependant tombés et c’est tant mieux. Mais un parti qui fait fi de la lutte des classes, qui laisse subsister la domination des détenteurs du capital et du monde de la finance sur la société, qui accepte l’ordre social tel qu’il est, qui en définitive renonce à l’idéal socialiste, peut-il encore se poser en héritier de Jaurès ?

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« Jaurès récusait la lutte des classes », Nicolas Sarkozy.

Panthéonisé en 1924, Jean Jaurès est l’une des grandes figures républicaines françaises. Sa mémoire ne cesse cependant d’être bafouée par des récupérations politiques honteuses, notamment de la part de la droite et de l’extrême-droite. Car Jaurès ce n’est pas seulement la République, c’est aussi le Socialisme. Le tribun tarnais n’est ni plus ni moins que l’une des figures tutélaires de la gauche française.

Cependant lorsque l’on scrute la politique menée par le gouvernement « socialiste » actuel, lorsque l’on  écoute ses représentants, sa filiation idéologique avec Jaurès semble de plus en plus se déliter.

Pourtant, lors de la dernière campagne présidentielle, François Hollande lui a bien rendu hommage en se déplaçant à Carmaux et en prononçant un discours au pied de sa statue. Lors du dernier Congrès du PS à Toulouse, Jean-Marc Ayrault a quant à lui déclaré, « je pense à Jaurès ». Mais il semble que le Jaurès auquel Hollande comme Ayrault font allusion soit le même que celui dont le candidat Sarkozy se déclarait en 2007 « héritier ». Un Jaurès qui je cite, «récusait la lutte des classes ». Un Jaurès, qui en définitive n’a jamais existé !

« La lutte des classes, (…) moi, je n’y ai jamais cru », Jérôme Cahuzac.

Comme nous le verrons plus tard, la lutte des classes était bel et bien une réalité pour Jaurès. Celui-ci voyait d’ailleurs dans le socialisme la seule solution pour résoudre l’antagonisme de classe. Le gouvernement actuel et le Parti socialiste avec lui, ne semblent cependant pas être sur la même longueur d’onde. En effet, après Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l’innovation et à l’Economie numérique, qui avait déclaré, « je ne crois pas à la lutte des classes », c’est Jérôme Cahuzac, ministre du budget qui a récemment manifesté sa réticence à ce sujet,  « la lutte des classes, (…) moi, je n’y ai jamais cru ».

Des propos qui auraient été sans conséquence s’ils avaient été prononcés par des ministres de droite. Cependant Fleur Pellerin et Jérôme Cahuzac sont bien membres du Parti socialiste français, celui-là même qui se pose en héritier de Jaurès.

Ces déclarations viennent finalement confirmer le tournant social-libéral qui s’opère aujourd’hui au PS. En effet, depuis l’investiture de François Hollande, le gouvernement « socialiste » ne cesse de décevoir. TCSG, SMIC, Florange, recul face aux « pigeons », rapport Gallois… Les motifs de mécontentement sont légion. Comme sous la présidence précédente ce sont les travailleurs qui sont rendus responsables des problèmes économiques qui touchent notre pays. Comme partout en Europe, c’est à eux que l’on demande de faire des efforts ! Comment un gouvernement peut-il se déclarer « socialiste » et reprendre l’argumentaire du patronat sur le prix du travail ? Comment un gouvernement peut-il se déclarer héritier de Jaurès et ne jamais poser sérieusement la question du coût du capital ?

« Il n’y aurait pas de lutte de classe (…) si les travailleurs pouvaient attendre leur libération de la classe capitaliste elle-même », Jean Jaurès.

C’est avec ces mots que Jaurès démarra, le 18 avril 1904, le premier éditorial de L’humanité : « L’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine. À l’intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée par l’antagonisme des classes ». Quoi qu’en dise Sarkozy, Cahuzac ou Pellerin, la lutte des classes était une réalité indubitable pour lui.

« La lutte de classe a commencé le jour où, à l’expérience des journées de Juin¹, le prolétariat a appris que c’était seulement dans sa force à lui, dans son organisation, qu’il portait l’espérance du salut (…). Il n’y aurait pas de lutte de classe (…) si les travailleurs pouvaient attendre leur libération de la classe capitaliste elle-même, de la classe privilégiée elle-même, cédant à une inspiration de justice² ».

« Le Parti Socialiste est un parti d’opposition continue, profonde, à tout, le système capitaliste² ». Pour Jaurès, c’est la concentration des moyens de production entre les mains d’une infime partie de la population qui est à l’origine des classes sociales, celles des « possédants » et celle des  « non-possédants ». Capitalisme et lutte des classes sont donc totalement liés. Que doit-on donc en conclure lorsque le ministre du budget dit ne pas croire en la lutte des classes…

Il est d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle la politique du gouvernement actuel avec ce que Jaurès disait de la social-démocratie allemande à la fin du XIXe siècle. « Le socialisme d’État accepte le principe même du régime capitaliste : il accepte la propriété privée des moyens de production, et, par suite, la division de la société en deux classes (…). Il se borne à protéger la classe non possédante contre certains excès de pouvoir de la classe capitaliste, contre les conséquences outrées du système. (…) Le socialisme d’Etat est une sorte de pessimisme social³ ».

François Mitterrand lui-même déclarait le 2 décembre 1972, « les maîtres de l’argent, l’argent, l’argent, les nouveaux seigneurs (…), c’est une lutte de classe entre ce petit groupe de privilégiés et la masse des salariés ». Des propos qui n’empêcheront cependant pas le tournant de la rigueur et les privatisations à partir de 1983. Mais que doit-on donc attendre d’un Parti scoliaste qui dit ne jamais avoir cru à la lutte des classes ?

Face à tant de confusions, de falsifications, de mensonges, l’heure est venue à gauche, de débattre de ce que dans le fond, le socialisme représente pour chacun d’entre nous. Les masques doivent définitivement tomber, il est tant d’assumer ses positions. A quand, un grand forum sur le socialisme, organisé par toutes les formations politiques qui s’en réclament ? Car le socialisme tel qu’il est prôné aujourd’hui par le PS n’a plus rien à voir avec celui de Jaurès, pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas du socialisme.

¹Référence aux journées de juin 1848

² Jean Jaurès, 26 novembre 1900, Lille

³ Jean Jaurès, Socialisme et liberté, 1898

3 réflexions sur “Lutte des classes : comme Sarkozy, Cahuzac et le PS insultent la mémoire de Jaurès

  1. Salut Matthieu et bravo pour ton blog que je prends le temps de découvrir. Je t’ai rajouté dans la liste de mes blogs amis, c’est bien la moindre des choses.
    Salut et fraternité,
    Nathanaël

    1. Merci ça fait plaisir. Je ne peux que te retourner le compliment tant le travail que tu fournis sur ton blog est dense et précieux.
      Amitiés militantes

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