Morts au travail : comment expliquer une telle opacité des chiffres ?

Selon Eurostat (Commission européenne) la France s’est classée en 2019 en tête des pays de l’UE concernant la fréquence des accidents mortels au travail (3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés). Certains critiquent ce classement, avançant des méthodes de calcul différentes entre pays. Mais les chiffres remontés par la France sont-ils si transparents que cela ?

Selon la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (CNAM), il y aurait eu 733 décès dans des accidents du travail en 2019. Des données qui ne prennent en compte que les 19 millions de salariés du secteur privé qui relèvent du régime général de la Sécurité sociale.

Dans un rapport récent, la Dares (Ministère du Travail) avance quant à elle le chiffre de 790 morts pour la même année. Elle ajoute aux salariés du secteur privé, ceux affiliés à la Mutualité Sociale Agricole (MSA), ainsi que des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Les 57 décès comptabilisés en plus s’expliqueraient donc ainsi.

Le tableau de la Dares annonce notamment 27 accidents du travail mortels dans le secteur Agriculture, sylviculture et pêche. Or, d’après les informations collectées par la journaliste Carole Sterlé auprès de la MSA les accidents mortels du travail proprement dits des salariés et non-salariés agricoles auraient été de 119 cette même année. Soit 92 de plus que ceux annoncés par la Dares. Un écart conséquent. Celui-ci s’expliquerait par un nombre important de travailleurs agricoles non-salariés (exploitants…) parmi les victimes ? Quoi qu’il en soit, pourquoi donc ne présenter ce chiffre dans aucune étude ? Le fait de limiter les analyses aux salariés permet clairement de réduire l’ampleur de la mortalité au travail.

Ainsi, si on ajoute ces 92 décès aux chiffres de la Dares le nombre de morts au travail en 2019 passe à 882. De son côté l’ENIM (Établissement national des invalides de la marine), en charge du régime spécial de sécurité sociale des marins du commerce, de la pêche et de la plaisance, annonce dans un rapport 14 décès concernant le secteur maritime (dont 11 marins-pêcheurs). Là encore, pourquoi la Dares n’utilise pas ce chiffre afin de rendre son analyse plus globale ?

Il y aurait donc eu au minimum 896 morts dans des accidents du travail en 2019 en France. Mais ce chiffre n’apparait dans aucune étude, aucune analyse, aucun rapport. Et encore, les indépendants (or secteur agricole), une partie de la fonction publique, les travailleurs détachés ou encore les sans-papiers ne sont pas pris en compte.

Il est grand temps que le ministère du Travail mette fin à cette opacité des chiffres concernant la mort au travail. A quand, une prise en compte de l’ensemble des personnes qui ont travaillé sur l’année dans le bilan des morts au travail ?

7 réflexions sur “Morts au travail : comment expliquer une telle opacité des chiffres ?

  1. Ex- représentant du personnel dans une entreprise de formation (FLE & insertion), à la retraite mais toujours syndiquée, j’ai entendu l’émission annonçant la sortie de votre livre (que j’ai commandé en librairie ;-).
    Je souhaiterais m’impliquer dans ce combat contre les maladies et accidents professionels.
    Auriez-vous des suggestions ?
    D’avance, merci pour votre attention.
    Cordialement,
    S. Bulow

  2. Dans l’enseignement, une collègue victime d’un AVC ( pas décédée mais lourdement handicapée) au lycée a son accident du travail contesté par l’administration. Seuls ceux qui mèneront une procédure ( éventuellement jusqu’au procès) obtiendront gain de cause soit une minorité. C’est une des modalités de sous-déclaration des accidents du travail dans la fonction publique.

  3. Bonjour, jr suis très attentivement vos publications, que je partage très souvent dur mon blog Folio du Blanc-Mesnil. le chantier de ligne n°16 sur ma commune a vécu malheureusement un accident mortel le 7 mars. je souhaiterai organiser une réunion autour de votre livre au Blanc-Mesnil. pensez vous possible que nous puissions tenir une telle réunion. Sous l’invitation du comité génération.s du Blanc-Mesnil, merci de votre réponse. Cordialement.

    1. Bonsoir, c’est faisable mais je vous avoue que mon agenda est bien rempli dans les semaines à venir. Je dois notamment venir présenter mon livre à la librairie Folies d’Encre de Gagny (pas très loin du Blanc-Mesnil). Bonne soirée à vous

  4. J’ai reçu des nouvelles de votre blog que je visite rarement par négligence, mais je vais le placer en bonne place pour le lire plus régulièrement, car il est porteur d’un travail de grande valeur de votre part. Son contenu mériterait une large diffusion, ne serait-ce que pour souligner la nécessité d’avoir une démarche humaniste et rigoureuse, en montrant l’hypocrisie des élus d’extrême droite portés à des postes de responsabilité par de pauvres gens, mais aussi des indigents intellectuels qui agissent ainsi en complices d’une régression du progrès de la pensée dont souffrent tant de gens aujourd’hui. Sincères salutations. Adgelf

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