Article publié le 05-06-2012 sur Le plus (http://leplus.nouvelobs.com/matthieulepine)
Une question parfaitement d’actualité resurgit deux ans après l’affaire Ilham Moussaïd, cette militante NPA qui s’était présentée voilée face aux électeurs. C’est le comportement d’une élue UMP, cette fois, qui est au centre du débat.
Maryse Joissains-Masini après sa victoire au second tour des municipales, Aix-en-Provence, le 16 mars 2008 (A.-C.POUJOULAT/AFP)
Deux poids, deux mesures
Depuis plusieurs semaines, la députée-maire d’Aix-en-Provence et candidate aux législatives, Maryse Joissains-Masini, défraie la chronique. Ce qui m’intéresse ici, ce ne sont ni ses propos sur le Front national – « les valeurs qu’a Marine Le Pen, je les ai toujours défendues » – ni ceux sur François Hollande – « je ne me sens pas liée par ce président de la République, que j’estime illégitime » –, mais l’imposante croix chrétienne qu’elle exhibe autour de son cou.
En 2010, la candidature d’une femme voilée pour le NPA lors des élections régionales avait fait réagir l’ensemble de la classe politique. Du côté de l’UMP, Nadine Morano avait alors déclaré qu’il s’agissait d’un « coup médiatique contre les valeurs de la République« . Et pourtant, aujourd’hui, personne ne s’indigne qu’une élue de la République et candidate à la représentation nationale, arbore de façon ostensible un symbole chrétien et affiche donc ainsi clairement ses orientations religieuses.
Y aurait-il deux poids, deux mesures ? Comme si la République, c’était davantage la croix chrétienne que le voile musulman. En réalité la République, ce n’est ni l’un, ni l’autre.
Rassembler l’ensemble des citoyens
Selon l’article 1 de la Constitution, la France est une République laïque. Mais, ces derniers temps, la laïcité est davantage instrumentalisée pour servir d’arme contre les musulmans de France que pour rassembler l’ensemble des citoyens, son but initial. Il semble donc primordial d’en rappeler le sens. D’après le philosophe Henri Peña-Ruiz, la laïcité se fonde sur trois exigences : la liberté de conscience, l’égalité entre toutes les convictions spirituelles et l’universalité de la puissance publique. Cette dernière exigence implique donc la totale neutralité, sans aucune distinction, des élus et des représentants de la République.
C’est en ce sens que la loi du 15 mars 2004, relative au port de signes manifestant une appartenance religieuse dans les établissements publics, rappelle que « les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret ». C’est en partant du principe qu’ils représentent l’État, la République, et donc la communauté des citoyens dans son ensemble, que l’on interdit aux enseignants de porter des signes religieux dans leur établissement. Pourquoi ne pas avoir cette exigence pour nos élus ?
On peut ajouter à cela l’article 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État qui stipule bien que la République ne reconnaît aucun culte. Il semble donc évident qu’un élu du peuple ne peut afficher ostensiblement ses convictions religieuses, quelles qu’elles soient.
Pas de laïcité à géométrie variable
Il n’y a pas de compromis sans compromission lorsqu’il s’agit de faire respecter et appliquer les valeurs et principes de la République. Si nous voulons que la laïcité, torturée et méprisée ces dernières années, soit de nouveau comprise et acceptée par tous, nous devons l’appliquer sans aucune distinction.
Il n’y a pas de laïcité à géométrie variable. Tout élu ou représentant de la République doit respecter ce principe fondateur pour pouvoir être légitime. Le silence autour de cette affaire montre bien toute l’ambiguïté de l’approche de la laïcité qu’ont certains partis, de gauche comme de droite.
Faut savoir lire entre les lignes, les gens : Le principe de laïcité ne s’applique qu’à tout ce qui vient pas « d’cheux nous »