Article publié le 12-06-2012 sur Le plus (http://leplus.nouvelobs.com/matthieulepine)
Hénin-Beaumont a été le théâtre du combat Front contre Front mené courageusement par Jean-Luc Mélenchon. Bien qu’éliminé au premier tour, on ne peut parler d’échec concernant sa candidature. En effet, cette campagne aura permis de faire tomber les masques. Celui du Front national bien évidement (faux tract, charges verbales…) mais aussi celui du Parti socialiste qui n’a rien fait pour favoriser le rassemblement à gauche.
Jean-Luc Mélenchon, Philippe Kemel, Marine Le Pen. AFP/Montage F3 NPDC
Hénin-Beaumont, le révélateur
En appelant à voter Hollande au soir du premier tour des présidentielles, Jean-Luc Mélenchon n’attendait rien en retour du Parti socialiste. Son état d’esprit suite à l’officialisation de sa candidature à Hénin-Beaumont fut le même : « Je ne leur ai rien demandé à l’appareil socialiste. Je ne leur demande rien. Faites ce que votre conscience vous dicte. Il y a un candidat ? Très bien, il doit défendre ses idées. Et moi je suis candidat pour le Front de gauche. On a quand même la liberté de choisir nos candidats !« .
On aurait tout de même pu s’attendre à davantage de respect, venant de la majorité présidentielle, à l’égard des candidats du Front de gauche dans leur ensemble. Il n’en fut rien. Le PS allant même jusqu’à porter des attaques directes envers Jean-Luc Mélenchon du coté d’Hénin-Beaumont. Cette attitude est le révélateur de la stratégie globale adoptée par le parti de Martine Aubry pour ses élections.
Une stratégie qui vise à ostraciser tous les membres de la gauche qui n’adhérent pas complètement au projet présidentiel. C’est en ce sens qu’aucun accord ne fut signé dans les circonscriptions où le Front national pourrait l’emporter. Le Parti socialiste composant pourtant aujourd’hui avec l’UMP dans ces mêmes circonscriptions, dans le Vaucluse par exemple, où Marion Maréchal-Le Pen, la nièce de Marine Le Pen, est arrivée en tête au premier tour.
A Hénin-Beaumont, face à une Marine Le Pen ayant obtenue 35,48 % des suffrages lors du premier tour de l’élection présidentielle, l’unité de la gauche aurait du être décrétée. Pourquoi ne pas s’unir autour du Front de gauche plutôt que du PS ? me dira-t-on. Mais qui mène le combat face au Front national depuis des mois, qui prend tous les risques en venant livrer cette bataille, si ce n’est Jean-Luc Mélenchon ? Mener un combat pour des valeurs, le PS n’en avait que faire, sa seule ambition était ici d’emporter un nouveau siège de député dans le but d’obtenir une majorité confortable à l’Assemblée nationale.
La peur d’un Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale
L’attitude du Parti socialiste révèle aussi sa fébrilité. En effet, la nouvelle majorité présidentielle redoutait d’avoir sur sa gauche un Jean-Luc Mélenchon incontrôlable, puisque en dehors du parti et donc totalement libre. Une telle situation l’aurait obligé à composer avec un Front de gauche puissant et représenté dans les médias.
C’est en ce sens que le PS a décidé de s’attaquer directement au co-président du Parti de gauche dans cette campagne, en l’accusant de façon éhontée de favoriser d’une certaine manière la candidature de Marine Le Pen, comme l’affirmait Martine Aubry le 1er juin dernier : » Il donne à Marine Le Pen une occasion d’exister « . Philippe Kemel, candidat socialiste dans la circonscription, ira lui jusqu’à traiter Jean-Luc Mélenchon de » loser de la présidentielle » le renvoyant ainsi dos à dos avec la candidate du Front national.
Faire l’amalgame entre le Front de gauche et le parti d’extrême-droite, le PS n’en est pas à son coup d’essai. En 2010 déjà, Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, s’était exprimé ainsi au sujet de Jean-Luc Mélenchon: « Son langage est proche de celui de l’extrême-droite, mais c’est plus grave que Le Pen ! Il incarne le populisme d’extrême gauche« . A la même époque, Manuel Valls quant à lui l’avait qualifié de » danger pour la démocratie « . Des propos honteux qui a l’époque n’avaient provoqué aucune réaction de la part de la direction du PS.
Le Front de gauche, seul face au Front national
Ces derniers jours, la direction du Parti socialiste s’est à nouveau manifestée par son absence de réaction. Dans l’affaire scandaleuse des faux-tracts, assimilant Jean-Luc Mélenchon à Hitler, on aurait pu s’attendre à un soutien venant du parti majoritaire de la gauche, on l’attend toujours…
Face au Front national, Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche semblaient presque seuls du coté d’Hénin-Beaumont. À travers cet engagement dans un combat valeurs contre valeurs, le co-président du Parti de gauche aura fait preuve de courage et non de calcul. Peu de candidat peuvent aujourd’hui se targuer de cela. Une attitude qui a d’ailleurs été saluée par ses alliés communistes, Marie-George Buffet en tête : « Il faut reconnaître le mérite de cet homme qui n’a pas cherché à être élu à tout prix mais à mener un combat pour des valeurs. »
« Ce soir, c’est le cœur paisible que je vais quitter cette scène, mais pas le département », c’est avec ces mots que Jean-Luc Mélenchon concluait dimanche son intervention. Il peut en effet quitter cette campagne la tête haute, Philippe Kemel et le Parti socialiste pourront-ils en dire autant dimanche prochain ?